Fénix 16, 198-211
UN PROCES D'mOLATRIE. AREQUIPA, 1671 201 désaffecté depris les regroupements (reducciones) ordonnés cent ans plus tót par le vice Roi Toledo. Ces rencontres sont occasionnelles et la fréquence des offrandes et des priéres a, elle aussi, fortement diminué. Quant au cu1te lui– méme, il est remarquable -et naturel- que ce soit celui des divinités particu– liéres qui ait survécu. Il ne Iaudrait pas, certes, accorder aux dieux Sorimana, Vampuvilca, Siuincha, Quilcamayo, Vilcatampu, Acocha ou Anta l'universalité des dieux-créateurs classiques, bien que l'expression dieu-créateur revienne cons– tamment dans le texte. La référence a des documents du méme genre, plus explicites, indique qu'il s'agit de divinités particulieres a la lignée (1' ayllu) ou a la famille; il convient de les rattacher a la notion de pacarina (Iieu d'origine et divinité chtonienne d'oü la famille est issue). Ainsi chaque famille peut avoir son dieu créateur; ainsi Diego Vasuaio a-t-il hérité la statuette du dieu qui l'a créé, de ses parents et de ses aíeux. Ainsi Peclro Vanatuma a-t-il été créé par le dieu Siuincha, María Vancuipa par Acocha, Diego Capalca par Quilcamayo ... De la la multiplicité de ces divinités souvcnt identifiées a quelque cerro (rnon– tagne), dont l'idole -pierre ou statuettc- n'est que le symbole ou le double. C'est pourquoi Sorimana est d'abord présenté comme la statuette habillée du dieu, mais plus loin comme le glacier au pied duquel on va l'adorer; de mérne Pedro Vanatuma fréquente une montagne OU se trouve son dieu Siuincha (9). Une contradiction parait subsister, lorsqu'on lit que Sorimana "avait créé la terre et tout le reste"; on peut se dernander s'il ne s'agit pas la seulement d'une généralisation affective du pouvoir de la divinité familiale; chacune d'entre elles entrant naturellement en cornpétition avec les divinités analogues des voisins, chacun tirant vanité de posséder un créateur plus efficace que les autres (Pedro Vanatuma n'hésite pas a sacrifier a Vampuvilca, qui n'est pas son dieu familier, mais dont on lui a vanté I'efficacité) . On releve dans le texte quelqucs exemplcs d'accu1turation particuliere– ment précieux. Au village de Salamanca, les pretres du culte ancien vont offieier aupres de leurs idoles au lendernain de la Fete-Dieu (Corpus). La coíncidence des deux calendriers rituels ri'est jamais gratuite; rnais doit-on voir ici une manifestation de syncrétisme, qu¡ térnoignerait de la coexistence des deux cultes antagonistes --hispanique et péruvien- acceptés au rnérne titre, ou bien s'agit-il seulerncnt d'une compensation accordée d'urgence par les Indiens, le remords dans l'áme, au lendemain des concessions qu'ils ont été forces de faire a l'Eglise? L'invocation de Pedro Vanatuma vient étayer cette derniere hypo– thése: "Protege-mol, Vampuvilca, accorde-moi tes bienfaits; je t'en supplie du Iond du coeur; car dcpuis qu'il y a un autre dieu, nous t'avons abandonné et nous t'avons offensé. Puisque tu es le dieu de mes ancétres, le dieu des Incas, aide-rnoi, donne-moi du maís ct de l'argent, cal' tu es le créateur de toutes 9 cf. quclques er.quétes recentes sur cet aspect capital des religions andines _ MENDIZABAL LOSAK, Emilio Peceraos : una comunidad en la parte a:ta del valle de Chancay. Lima 1964, et "El Awkillu entre los descendientes de los Chupachu" dans Cuadernos de Investigación de la Universided de Huéttuco, Huánucc, 1966, P. 61-79. De rnéma FUERZALIDA WOLLMAR, Fernando, "Santiago y el Wa~ani: aspectos de un culto pagano" dans Cuadernos de Antropología, n? 8. Lima 1965 -- P. 118-140. Fénix: Revista de la Biblioteca Nacional del Perú. N.16, 1966
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