Fénix 16, 198-211

202 FENIX choses", Ailleurs, d'autres traits relévent plus clairement d'un synerétisme: Les pretres-sorciers invoquent le Démon a travers leur divinité. On peut, bien sur, se demander si l'assimilation des idoles au Démon n'est pas le seul fait du curé qui mene l'enquéte et controle la rédaction des aveux. Pourtant, nous savons que la notion manichéénne a été imposée de bonne heure, des la conquéte, et que Satan s'est vu attribuer la paternité de tous les cu1tes indigénes si résolu– ment que les Indiens eux-mémes l'ont adoptéc. La clandestinité a parallelement entrainé une simplification progressive du dogme et du rite, tout a la fois, l'activité de l'officiant se trouvant réduite aux comportements magiques élémentaires dont les fins sont immédiatament et stric– tement utilitaires. II demande a son dieu créateur de lui rendre la santé, de lui procurer de quoi manger, des lamas, ou bien de l'argent. "Aie pitié de moi, je suis pauvre": Ce cri dérisoire et émouvant, revient sans cesse, sous diverses formes. On engage tel sorcier, contre rétribution, dans le but d'obtenir des résu1tats rapides, précis, limités (faire disparaitre le mari génant, séduire l'amant désiré, se faire guérir). Catalina Paicana croit savoir "Iaire voler des astres", c'est-á-dire Iaire apparaitre des étoiles ou étincelles dans les airs. Si l'expérience réussit c'est un bon présage, sinon c'est de mauvais augure. Ainsi se perpétue la pratique de la divination si répandue au temps de L'Empire. Les sacrifices eux-mémes sont a la mesure des possibilités matérielles de ces prétres: un peu de rnaís, de la chicha, du suif qu'on jette au feu. Mais ce sont, en gros, les éléments de base, des sacrifices d'autrefois. Sorimana qui semble l'emporter sur tous les autres (on I'adorait au temps de l'Inca) a droit a des soins plus complexes: on le lave avee de la chicha, on le seche avec du maís moulu, on l'habilIe enfin. Sorimana, il est vrai, est aussi oracle: "11 se fait comme un écho, comme s'il parlait", et "chaque fois qu'on faisait du feu, Sorimana produisait un grand bruit". Mais plus que l'affaiblissement de la rcligion incaíque, processus inévitable, n'est-ce pas au contraire la vigueur des vieilIcs croyances et la résistance du noyau des pratiquants qui doit frapper dans un el document? Certaines réunions pu– bliques ont lieu paríois, qui prouvent qu'une partie au moins du vilIage, si elle ne pratique pas régulierement, reste attachée a la tradition. Ainsi Pedro Vana– turna, lorsqu'il allait rendre visite au dieu Acocha était accompagné d'une suite imposante. 11 est difficile sans doute d'estimer le nombre des refractaires; on entrevoit mieux leurs moyens de défense; d'abord le secret qui lie entre eux les adeptes; mais ils ont un allié bin placé et bien informé en la personne de Pedro Ninalori, le sacristain. Bien que périodiquement décimés, cinq prétres clandes– tins au moins subsistent dans cette paroisse; et sans doute beaucoup plus, si l'on songe que cette enquéte de 1671 ne les a sürement pas tous démasqués, que les aveux des prévenus ont été limités au minimum possible. Comment parviennent– ils a transmettre leur science et leur sacerdoce? il n'est plus possible, comme autrefois de le léguer de pére en fils ou de consacrer les infirmes. On s'adresse en secret a tel Indien, discretement choisi. Ainsi Pedro Alpacay a tout appris, 30 ans plus tót, d'un certain Andrés Choque. * * * Fénix: Revista de la Biblioteca Nacional del Perú. N.16, 1966

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